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Artist/Band: Tetes Raides
Lyrics for Song: Notre Besoin De Consolation Est Impossible À Rassasier
Lyrics for Album: Banco [2007]



Je suis dépourvu de foi et ne puis donc être heureux

Car un homme qui risque de craindre que sa vie

Soit une errance absurde vers une mort certaine ne peut être heureux.

Je n'ai reçu en héritage ni dieu, ni point fixe sur la terre

D'où je puisse attirer l'attention d'un dieu.

On ne m'a pas non plus légué la fureur bien déguisée du sceptique

Les ruses de Sioux du rationaliste ou la candeur ardente de l'athée.

Je n'ose donc jeter la pierre ni à celle qui croit en des choses

Qui ne m'inspirent que le doute, ni à celui qui cultive son doute

Comme si celui-ci n'était pas, lui aussi, entouré de ténèbres.

Cette pierre m'atteindrait moi-même car je suis bien certain

D'une chose : le besoin de consolation que connaît l'être humain

Est impossible à rassasier.



En ce qui me concerne, je traque la consolation

Comme le chasseur traque le gibier. Partout où je crois l'apercevoir

Dans la forêt, je tire. Souvent je n'atteins que le vide mais

Une fois de temps en temps, une proie tombe à mes pieds.

Et, comme je sais que la consolation ne dure que le temps

D'un souffle de vent dans la cime d'un arbre

Je me dépêche de m'emparer de ma victime.



Qu'ai-je alors entre mes bras ?



Puisque je suis solitaire : une femme aimée ou

Un compagnon de voyage malheureux.

Puisque je suis poète : un arc de mots que je ressens

De la joie et de l'effroi à bander.

Puisque je suis prisonnier : un aperçu soudain de la liberté.

Puisque je suis menacé par la mort : un animal vivant et bien chaud

Un cœur qui bat de façon sarcastique.

Puisque je suis menacé par la mer : un récif de granit bien dur.



Mais il y a aussi des consolations qui viennent à moi

Sans y être conviées et qui remplissent ma chambre

De chuchotements odieux : Je suis ton plaisir ? Aime-les tous !

Je suis ton talent ? Fais-en aussi mauvais usage que de toi-même !



Le fil du rasoir est bien étroit. Je vois ma vie menacée par deux périls

Par les bouches avides de la gourmandise

De l'autre par l'amertume de l'avarice qui se nourrit d'elle-même.

Mais je tiens à refuser de choisir entre l'orgie et l'ascèse

Même si je dois pour cela subir le supplice du gril de mes désirs.

Pour moi, il ne suffit pas de savoir que

Puisque nous ne sommes pas libres de nos actes, tout est excusable.

Ce que je cherche, ce n'est pas une excuse à ma vie

Mais exactement le contraire d'une excuse : le pardon.

L'idée me vient finalement que toute consolation

Ne prenant pas en compte ma liberté est trompeuse

Qu'elle n'est que l'image réfléchie de mon désespoir.

En effet, lorsque mon désespoir me dit : Perds confiance

Car chaque jour n'est qu'une trêve entre deux nuits

La fausse consolation me crie : Espère

Car chaque nuit n'est qu'une trêve entre deux jours.



Mais l'humanité n'a que faire d'une consolation

En forme de mot d'esprit : elle a besoin d'une consolation qui illumine.

Et celui qui souhaite devenir mauvais, c'est-à-dire

Devenir un homme qui agisse comme si

Toutes les actions étaient défendables, doit au moins avoir

La bonté de le remarquer lorsqu'il y parvient.



Personne ne peut énumérer tous les cas

Où la consolation est une nécessité.

Personne ne sait quand tombera le crépuscule

Et la vie n'est pas un problème qui puisse être résolu

En divisant la lumière par l'obscurité et les jours par les nuits

C'est un voyage imprévisible entre des lieux qui n'existent pas.

Je peux, par exemple, marcher sur le rivage

Et ressentir tout à coup le défi effroyable que l'éternité lance

À mon existence dans le mouvement perpétuel de la mer

Et dans la fuite perpétuelle du vent.

Que devient alors le temps, si ce n'est une consolation pour le fait

Que rien de ce qui est humain ne dure ?

Et quelle misérable consolation, qui n'enrichit que les Suisses !



Je peux rester assis devant un feu

Dans la pièce la moins exposée de toutes au danger

Et sentir soudain la mort me cerner.

Elle se trouve dans le feu, dans tous les objets pointus

Qui m'entourent, dans le poids du toit et dans la masse des murs.

Elle se trouve dans l'eau, dans la neige

Dans la chaleur et dans mon sang.

Que devient alors le sentiment humain de sécurité

Si ce n'est une consolation pour le fait

Que la mort est ce qu'il y a de plus proche de la vie ?

Et quelle misérable consolation

Qui ne fait que nous rappeler ce qu'elle veut nous faire oublier !



Je peux remplir toutes mes pages blanches

Avec les plus belles combinaisons de mots

Que puisse imaginer mon cerveau.

Étant donné que je cherche à m'assurer que ma vie n'est pas absurde

Et que je ne suis pas seul sur la terre

Je rassemble tous ces mots en un livre et je l'offre au monde.

En retour, celui-ci me donne la richesse, la gloire et le silence.

Mais que puis-je bien faire de cet argent et quel plaisir

Puis-je prendre à contribuer au progrès de la littérature ?

Je ne désire que ce que je n'aurai pas.

Confirmation de ce que mes mots ont touché le cœur du monde.

Que devient alors mon talent si ce n'est une consolation

Pour le fait que je suis seul ? Mais quelle épouvantable consolation

Qui me fait simplement ressentir ma solitude cinq fois plus fort !



Je peux voir la liberté incarnée dans un animal

Qui traverse rapidement une clairière et entendre une voix qui chuchote

Vis simplement, prends ce que tu désires et n'aie pas peur des lois !

Mais qu'est-ce que ce bon conseil si ce n'est une consolation

Pour le fait que la liberté n'existe pas ?

Et quelle impitoyable consolation pour celui qui s'avise

Que l'être humain doit mettre des millions d'années à devenir un lézard !



Pour finir, je peux m'apercevoir que cette terre est une fosse commune

Dans laquelle le roi Salomon, Ophélie et Himmler reposent côte à côte.

Je peux en conclure que le bourreau et la malheureuse

Jouissent de la même mort que le sage

Et que la mort peut nous faire l'effet d'une consolation

Pour une vie manquée. Mais quelle atroce consolation

Pour celui qui voudrait voir dans la vie une consolation pour la mort !



Je ne possède pas de philosophie dans laquelle

Je puisse me mouvoir comme le poisson dans l'eau

Ou l'oiseau dans le ciel. Tout ce que je possède est un duel

Et ce duel se livre à chaque minute de ma vie

Entre les fausses consolations, qui ne font qu'accroître mon impuissance

Et rendre plus profond mon désespoir, et les vraies

Qui me mènent vers une libération temporaire.

Je devrais peut-être dire : la vraie car, à la vérité

Il n'existe pour moi qu'une seule consolation qui soit réelle

Celle qui me dit que je suis un homme libre, un individu inviolable

Un être souverain à l'intérieur de ses limites.



Mais la liberté commence par l'esclavage

Et la souveraineté par la dépendance.

Le signe le plus certain de ma servitude est ma peur de vivre.

Le signe définitif de ma liberté est le fait que ma peur

Laisse la place à la joie tranquille de l'indépendance.

On dirait que j'ai besoin de la dépendance

Pour pouvoir finalement connaître la consolation d'être un homme libre

Et c'est certainement vrai. À la lumière de mes actes

Je m'aperçois que toute ma vie semble n'avoir eu pour but

Que de faire mon propre malheur. Ce qui devrait m'apporter la liberté

M'apporte l'esclavage et les pierres en guise de pain.



Les autres hommes ont d'autres maîtres.

En ce qui me concerne, mon talent me rend esclave

Au point de pas oser l'employer, de peur de l'avoir perdu.

De plus, je suis tellement esclave de mon nom

Que j'ose à peine écrire une ligne, de peur de lui nuire.

Et, lorsque la dépression arrive finalement, je suis aussi son esclave.

Mon plus grand désir est de la retenir

Mon plus grand plaisir est de sentir que tout ce que je valais

Résidait dans ce que je crois avoir perdu.

La capacité de créer de la beauté à partir

De mon désespoir, de mon dégoût et de mes faiblesses.

Avec une joie amère, je désire voir mes maisons tomber en ruine

Et me voir moi-même enseveli sous la neige de l'oubli.

Mais la dépression est une poupée russe et, dans la dernière poupée

Se trouvent un couteau, une lame de rasoir, un poison

Une eau profonde et un saut dans un grand trou.

Je finis par devenir l'esclave de tous ces instruments de mort.

Ils me suivent comme des chiens à moins que le chien, ce ne soit moi.

Et il me semble comprendre que le suicide

Est la seule preuve de la liberté humaine.



Mais, venant d'une direction que je ne soupçonne pas encore

Voici que s'approche le miracle de la libération.

Cela peut se produire sur le rivage, et la même éternité qui

Tout à l'heure, suscitait mon effroi est maintenant le témoin

De mon accession à la liberté. En quoi consiste donc ce miracle ?

Tout simplement dans la découverte soudaine que personne

Aucune puissance, aucun être humain n'a le droit d'énoncer envers moi

Des exigences telles que mon désir de vivre vienne à s'étioler.

Car si ce désir n'existe pas, qu'est-ce qui peut alors exister ?



Puisque je suis au bord de la mer, je peux apprendre de la mer.

Personne n'a le droit d'exiger de la mer qu'elle porte tous les bateaux

Ou du vent qu'il gonfle perpétuellement toutes les voiles.

De même, personne n'a le droit d'exiger de moi

Que ma vie consiste à être prisonnier de certaines fonctions.

Pour moi, ce n'est pas le devoir avant tout mais : la vie avant tout.

Tout comme les autres hommes, je dois avoir droit à des moments

Où je puisse faire un pas de côté et sentir que je ne suis pas

Seulement une partie de cette masse que l'on appelle

La population du globe, mais aussi une unité autonome.



Ce n'est qu'en un tel instant que je peux être libre vis-à-vis de

Tous les faits de la vie qui, auparavant, ont causé mon désespoir.

Je peux reconnaître que la mer et le vent ne manqueront pas

De me survivre et que l'éternité se soucie peu de moi.

Mais qui me demande de me soucier de l'éternité ?

Ma vie n'est courte que si je la place sur le billot du temps.

Les possibilités de ma vie ne sont limitées que si je compte

Le nombre de mots ou le nombre de livres auxquels

J'aurai le temps de donner le jour avant de mourir.

Mais qui me demande de compter ?

Le temps n'est pas l'étalon qui convient à la vie.

Au fond, le temps est un instrument de mesure sans valeur

Car il n'atteint que les ouvrages avancés de ma vie.



Mais tout ce qui m'arrive d'important et tout ce qui donne à ma vie

Son merveilleux contenu : la rencontre avec un être aimé

Une caresse sur la peau, une aide au moment critique

Le spectacle du clair de lune, une promenade en mer à la voile

La joie que l'on donne à un enfant, le frisson devant la beauté

Tout cela se déroule totalement en dehors du temps.

Car peu importe que je rencontre la beauté l'espace d'une seconde

Ou l'espace de cent ans. Non seulement la félicité se situe

En marge du temps mais elle nie toute relation entre celui-ci et la vie.



Je soulève donc de mes épaules le fardeau du temps et

Par la même occasion, celui des performances que l'on exige de moi.

Ma vie n'est pas quelque chose que l'on doive mesurer.

Ni le saut du cabri ni le lever du soleil ne sont des performances.

Une vie humaine n'est pas non plus une performance

Mais quelque chose qui grandit et cherche à atteindre la perfection.

Et ce qui est parfait n'accomplit pas de performance

Ce qui est parfait œuvre en état de repos.

Il est absurde de prétendre que la mer soit faite

Pour porter des armadas et des dauphins. Certes, elle le fait ?

Mais en conservant sa liberté.

Il est également absurde de prétendre que l'homme soit fait

Pour autre chose que pour vivre.

Certes, il approvisionne des machines et il écrit des livres

Mais il pourrait tout aussi bien faire autre chose.

L'important est qu'il fasse ce qu'il fait en toute liberté et en pleine

Conscience de ce que, comme tout autre détail de la création, il est

Une fin en soi. Il repose en lui-même comme une pierre sur le sable.



Je peux même m'affranchir du pouvoir de la mort.

Il est vrai que je ne peux me libérer de l'idée

Que la mort marche sur mes talons et encore moins nier sa réalité.

Mais je peux réduire à néant la menace qu'elle constitue

En me dispensant d'accrocher ma vie à des points d'appui

Aussi précaires que le temps et la gloire.



Par contre, il n'est pas en mon pouvoir de rester perpétuellement

Tourné vers la mer et de comparer sa liberté avec la mienne.

Le moment arrivera où je devrai me retourner vers la terre

Et faire face aux organisateurs de l'oppression dont je suis victime.

Ce que je serai alors contraint de reconnaître

C'est que l'homme a donné à sa vie des formes qui

Au moins en apparence, sont plus fortes que lui.

Même avec ma liberté toute récente, je ne puis les briser

Je ne puis que soupirer sous leur poids.

Par contre, parmi les exigences qui pèsent sur l'homme

Je peux voir lesquelles sont absurdes et lesquelles sont inéluctables.

Selon moi, une sorte de liberté est perdue

Pour toujours ou pour longtemps.

C'est la liberté qui vient de la capacité de posséder son propre élément.

Le poisson possède le sien, de même que l'oiseau

Et que l'animal terrestre. Thoreau avait encore la forêt de Walden ?

Mais où est maintenant la forêt où l'être humain puisse prouver qu'il

Est possible de vivre en liberté

En dehors des formes figées de la société ?



Je suis obligé de répondre : nulle part.

Si je veux vivre libre, il faut pour l'instant que je le fasse

À l'intérieur de ces formes. Le monde est donc plus fort que moi.

À son pouvoir, je n'ai rien à opposer que moi-même ?

Mais, d'un autre côté, c'est considérable.

Car, tant que je ne me laisse pas écraser par le nombre

Je suis moi aussi une puissance.

Et mon pouvoir est redoutable tant que je puis opposer

La force de mes mots à celle du monde

Car celui qui construit des prisons s'exprime moins bien

Que celui qui bâtit la liberté.

Mais ma puissance ne connaîtra plus de bornes le jour où

Je n'aurai plus que le silence pour défendre mon inviolabilité

Car aucune hache ne peut avoir de prise sur le silence vivant.



Telle est ma seule consolation.

Je sais que les rechutes dans le désespoir

Seront nombreuses et profondes, mais le souvenir du miracle

De la libération me porte comme une aile vers un but

Qui me donne le vertige : une consolation qui soit plus

Qu'une consolation et plus grande qu'une philosophie

C'est-à-dire une raison de vivre.


Album Lyrics: Banco [2007]


Tetes Raides
"Banco [2007]"


1. Banco
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